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1. Berne capitale mondiale de l’arbre à chat urbain ou cat ladders
Berne, un matin d’été : en levant les yeux, le promeneur découvre l’arbre à chat urbain. Un déploiement de structures – très design – de planches ou de rampes, évoluant sur la façade, zigzagant d’un petit balcon capitonné à un autre, lesquels accrochés sous une fenêtre, donnent le rythme. L’élégante rampe suit une ligne régulière, que seul le félin sera capable d’emprunter, le faisant monter jusqu’aux étages supérieurs.
Berne
Capitale de l’arbre à chat urbain
Ce bâtiment illustre avec panache la double nature de son habitat.
Ce réseau n’est pas une fantaisie décorative ; c’est le chemin dédié aux félins bernois. La capitale fédérale concentre plusieurs centaines de ces échelles à chat – passerelles, rampes ou escaliers miniatures – au point d’être qualifiée par la presse locale de « capitale mondiale des cat ladders ».
Au-delà de Berne, cette prolifération est un phénomène typiquement suisse : « Nulle part ailleurs elles ne sont aussi nombreuses ni aussi discrètes dans le tissu urbain », souligne swissinfo.ch en 2025. Pour National Geographic, cette « architecture spécifique aux chats » fait même de la Suisse « le meilleur endroit au monde pour un chat domestique ».
Les échelles répondent d’abord à un impératif pratique : offrir aux animaux un accès autonome à l’extérieur depuis des appartements perchés sans dépendre de leurs humains, garantissant ainsi « une liberté de mouvement sans compromis sur la sécurité ».
Prêtez attention à cette scène, ne payant pas spécialement de mine. Elle révèle un milieu urbain optimisé pour chat. Un parcours balisé avec soin pour aider l’animal à se frayer un chemin jusqu’à son domicile en toute sécurité : les billots de bois forment le premier tremplin et permettent d’accéder à un premier niveau. Les boîtes aux lettres servent de base à une rampe terminant sa course, sur le cadre supérieur de la porte d’entrée du bâtiment. Là, le félin sautera à peine pour se glisser à travers les barreaux d’une fenêtre, où l’attend une chatière, ultime étape de son ascension.
Mais au-delà de la fonction, ces micro-constructions racontent autre chose : l’ingéniosité des habitants, le slow living d’un pays valorisant le temps long et surtout, le respect animal inscrit dans la culture. À travers elle, la ville de Berne esquisse les contours d’un urbanisme où la cohabitation homme–animal constitue un fait banal, offrant néanmoins au quotidien une qualité de vie exemplaire.
Qui suis-je ?
Depuis que j’ai un chat, je m’intéresse à son comportement et aux notions de territoire félin. Avec le site, j’ai pu développer au fil des années une expertise qui s’enrichit régulièrement.
En savoir plus.
2. Respect et cohabitation
Nulle part au monde, ces échelles, ces escaliers, ces arbres à chat sont aussi nombreux à s’intégrer discrètement dans un milieu urbain, sous des formes si variées
– Culture du respect animal : la Suisse compte 1,6 million de chats, et la liberté de mouvement fait partie des valeurs helvétiques
– Morphologie bâtie : façades étroites, balcons superposés, ruelles calmes offrent des points d’ancrage idéaux
– Génie domestique : depuis les années 1970, les habitants bricolent rampes et passerelles pour éviter de garder à l’intérieur des chats qui ont l’habitude de sortir
Le phénomène a été popularisé par la photographe-auteure Brigitte Schuster.
Crédits Franziska Rothenbühler
Celle-ci a documenté plus de 100 échelles dans Arcatecture – Swiss Cat Ladders , révélant une architecture spécifique aux chats que National Geographic qualifie de preuve que « la Suisse est peut-être le meilleur endroit au monde pour un chat domestique ». Le livre n’est malheureusement plus disponible au moment de la publication de l’article, car sa diffusion a été interrompue.
Dans la préface de l’ouvrage Arcatecture – Swiss Cat Ladders de Brigitte Schuster, le Dr. Dennis C. Turner apporte un éclairage scientifique et éthique sur l’importance des échelles à chat comme dispositifs favorisant le bien-être félin. Voici les points clés de son propos :
Un livre unique et nécessaire
Dans sa préface, Turner1 salue le travail de Schuster, qu’il qualifie de rare et précieux : le sujet des aménagements pour chats est peu exploré, surtout du point de vue architectural et sociologique. Ses photographies offrent selon lui une fenêtre sur des relations harmonieuses entre humains et chats à Berne.
1 Dr. sc. Dennis C. Turner
Directeur de l’Institut d’éthologie appliquée et de psychologie animale (I.E.A.P.), Suisse ↑
L’importance capitale de l’accès à l’extérieur
Fort de ses nombreuses années de recherche, Turner insiste sur un point fondamental :
Un chat ayant connu l’extérieur ne devrait jamais être ensuite confiné à l’intérieur.
Il affirme que priver un chat habitué à l’extérieur de cette liberté peut provoquer des troubles comportementaux, nuisant gravement à la relation humain-animal. Il admet que les chats peuvent vivre en intérieur, mais à deux conditions strictes :
– qu’ils n’aient jamais connu l’extérieur (même en tant que chaton) ;
– que leur environnement soit suffisamment riche pour couvrir tous leurs besoins biologiques et psychologiques.
Cat ladders : solution pragmatique et respectueuse
Dans les immeubles, où les escaliers pour humains ne sont pas toujours pratiques, Turner recommande l’installation de cat ladders combinées à une chatière, permettant aux chats de gérer eux-mêmes leurs allées et venues. Il regrette que certains propriétaires immobiliers refusent ces dispositifs pour des raisons esthétiques, alors qu’ils sont justement, comme le montre Schuster, discrets et même comme nous l’avons vu plus haut, parfois beaux.
En haut de l’échelle, la chatière positionnée à la base de la fenêtre
éthique
Pour Turner, permettre aux chats d’exprimer leurs comportements naturels — notamment par un accès libre à l’extérieur — est une marque de civilisation et un signe de respect envers les animaux.
Il voit dans ces échelles suisses un engagement concret pour le bien-être animal, à la croisée de l’éthologie, du design et de l’urbanisme.
La préface plaide pour une architecture du quotidien plus attentive aux besoins comportementaux des chats, et reconnaît les échelles à chat comme un exemple pionnier d’aménagement “animal-inclusive”.
3. Palette architecturale : 14 typologies emblématiques
Ces typologies – issues du livre de l’auteur – démontrent une démarche singulière. Celle d’une esthétique apparemment involontaire. L’aménagement de ces arbres à chat a d’abord consisté à réaliser quelque chose de fonctionnel.
Modèle | Description concise |
---|---|
Échelle droite simple | Échelle verticale à barreaux, fixée directement à la façade. |
Rampe inclinée basique | Planche en pente douce, parfois striée, idéale pour chats âgés. |
Rampe en zigzag | Structure perpendiculaire au mur, permet de monter en hauteur sans grande emprise verticale. |
Échelle classique recyclée | Vieille échelle domestique fixée telle quelle, version artisanale et économique. |
Cadre à marches insérées | Cadre rigide dans lequel sont encastrées de larges marches plates. |
Escalier à marches en éventail | Marches disposées en demi-cercle, souvent sous une fenêtre ou un balcon. |
Escalier hélicoïdal en bois | Escalier tournant autour d’un poteau central, tout en bois. |
Escalier spiralé mixte bois-métal | Structure métallique avec marches en bois vissées. |
Demi-spirale à paliers | Escalier tournant avec pauses intermédiaires en forme de paliers. |
Spirale autour de tuyau de descente | Marches fixées autour d’un tuyau de gouttière existant. |
Escalier spiralé tubulaire | Spirale construite sur un tube central en métal. |
Échelle à planchettes en quinconce | Planches horizontales fixées en alternance sur la façade. |
Échelle pliante amovible | Échelle mobile que l’on peut déplier et ranger facilement, pratique pour les locataires. |
Échelle naturelle (tronc, branche ou lierre) | Élément végétal détourné pour permettre l’ascension du chat de façon organique. |
Cette liste de 14 typologies d’échelles à chat inspire une lecture plurielle, à la fois urbaine, esthétique, éthique. Presque poétique. Elle révèle que derrière un simple dispositif fonctionnel se cache une véritable culture du design animalier intégré à l’architecture domestique.
Ce sont des formes que l’on retrouve dans l’architecture humaine, mais traduites ici à l’échelle féline. « Cat-architecture » conçue non par des architectes, mais par des artisans locaux, voire les habitants eux-mêmes.
Cependant, le locataire doit obtenir l’aval du bailleur et veiller à ce que l’échelle soit sécurisée et discrète. Cette dernière notion demeurant flexible. On peut donc éventuellement faire face à une structure relativement design sur un bâtiment.
Crédits Design Milk
Dans les immeubles classés, un permis supplémentaire peut être requis. De plus, la crainte de voir d’autres chats emprunter la structure conduit parfois à installer des chatières à puce électronique.
Les Formes rencontrées font figure de diversité. Une empreinte contribuant à donner à la localité une certaine couleur, une identité forte.
Crédits Axelle Vertommen
Plateformes, escalier, rampe ou colimaçon, constituent autant de moyens d’ascension et de descente pour le chat apprivoisé en quête de promenades au coeur de son quartier.
Escalier spiralé tubulaire : structure en spirale verticale, marches triangulaires en bois fixées sur un tube métallique
Échelle à planchettes en quinconce : ensemble suspendu en métal noir avec marches en zigzag ajourées, suspendue par câbles. Le quinconce est un terme d’architecture, de design (ou même de jardinage) qui désigne une disposition alternée et décalée de formes identiques, généralement en zigzag ou en diagonale croisée, au lieu d’un alignement strict.
Spirale autour de la gouttière : rampe spirale en bois fixée autour d’un tuyau de descente pluvial.
Échelle naturelle : suspension colorée avec marches géométriques en zigzag fixées sur un tronc d’arbre. Le tronc sert de structure porteuse, adossée à une façade.
Cadre à marches insérées : modèle en bois avec marches alternées à 45°, utilisée par plusieurs chats en simultané.