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À force de voir fleurir des arbres à chat « design » aux lignes épurées et aux matériaux nobles, on finirait presque par croire que tout ce qui est minimaliste ou géométrique appartient au post-modernisme. C’est une erreur fréquente. Car en réalité, le post-moderne ne se confond pas avec le design scandinave, minimaliste ou industriel. Au contraire, il s’est construit contre ces mouvements modernistes, en leur opposant une vision critique, ironique et parfois radicalement provocante.
Le style Japandi ? Un retour à la nature et à l’essentiel.
Le Bauhaus ? Le culte de la fonction.
Le design scandinave ? L’éloge du bon goût démocratique.
Rien de tout cela ne relève du post-modernisme. Ce dernier, bien plus subversif, n’a pas peur du faux, du kitsch, du jeu ni de l’hybride. Et aujourd’hui, certains arbres à chat osent s’en inspirer. Voici l’émergence d’un mobilier félin radical, en hommage à ce courant historique trop souvent galvaudé.
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1. Qu’est-ce qu’un arbre à chat post-moderniste ?
Un arbre à chat post-moderniste affiche la volonté de bousculer les codes traditionnels du mobilier animalier, incorporant une variété d’éléments
– Des formes géométriques exagérées
– Une palette chromatique tranchée, souvent primaire ou discordante
– Un pastiche de l’architecture, de la sculpture ou du design historique
– Une ironie esthétique qui détourne les usages sans les nier
– Possiblement une explosion de couleur
– Une dimension presque ludique, voire parodique
Crédits Cat haus
Cette pièce par exemple est une bombe. Clairement, c’est du post-modernisme — mais dans sa version la plus délirante, la plus assumée, presque agressive. On est à la croisée d’Ettore Sottsass, de Gaetano Pesce et de Lisa Frank, avec une touche de rave textile pour félins exigeants. Si ces noms ne vous disent rien, entrez-les sur votre moteur de recherche préféré, vous verrez alors ce que cela donne !
Ce que cet objet dit haut et fort :
“Je suis un collage spécial, un chaos contrôlé – et je ne veux surtout pas passer inaperçu.”
Critère | Présence | Commentaire |
---|---|---|
Pastiche / référence | ✅ | Les formes rappellent à la fois le mobilier 80s, les dessins de Memphis et le patchwork textile des années 70-90 |
Exagération formelle | ✅✅ | Chaque élément est volontairement non-aligné, non symétrique, imprévisible |
Palette chromatique dissonante | ✅✅✅ | Explosion de couleurs non hiérarchisées, juxtaposées sans ménagement — c’est un collage brutal de pièces de tissu |
Texture volontairement “moche” / rebutante / kitsch | ✅ | Usage agressif de la moquette peluche, sans peur du ridicule ou du faux luxe |
Ironie ou humour visuel | ✅ | L’objet est joyeusement absurde. Un anti-design devenu hyper-design |
À la manière du groupe Memphis Milano dans les années 80, le post-modernisme joue avec la surface, la couleur, le volume, et surtout, avec notre attente du « bon goût ». Si vous voulez un aperçu de e que cela pourrait représenter, les plus de âgés ou nostalgiques d’entre-vous se souviendront du générique de Sauvés par le Gong, comme le dit si bien 99 designs sur son article. Je rajouterai pour ma part, Parker Lewis ne perd jamais, dont l’univers répond également à cette exubérance de couleurs vives, flamboyantes, un peu cartoon même dans la mse-en-scène…
Memphis : le design qui a explosé les codes
Fondé à Milan en 1981 par Ettore Sottsass, le groupe Memphis naît en réaction directe au fonctionnalisme rigide du modernisme. Lassés de l’épure, du gris, du rationnel qui dictaient l’esthétique du XXe siècle, les designers du mouvement — comme Nathalie Du Pasquier, Michele De Lucchi ou George Sowden — introduisent une dose massive de couleurs criardes, de formes absurdes, de matériaux bon marché (stratifié plastique, terrazzo, formica). C’est une révolution visuelle et idéologique : Memphis célèbre l’émotion, le kitsch, l’humour et le chaos comme valeurs esthétiques. Le design n’a plus besoin d’être sobre ou discret ; il peut hurler, choquer, s’amuser, à condition d’être sincère.
Crédits photo Zak Kelley/MoCA
Entre provocation et jeu : une esthétique radicale
L’image iconique souvent associée à Memphis – comme celle présentée dans The Guardian, avec ses meubles aux formes géométriques colorées, délibérément bancales et impossibles à étiqueter – illustre parfaitement cette esthétique radicale. Chaque objet devient un manifeste visuel : ce n’est plus un meuble, c’est une provocation culturelle. Memphis intègre l’ornement et l’exubérance là où le modernisme les bannissait. C’est ce mélange de folie maîtrisée, de culture populaire et de références fragmentées qui a posé les fondations d’un véritable post-modernisme dans le design. Aujourd’hui, dans le monde du mobilier félin, rares sont les créations qui assument pleinement cet héritage. Mais quelques modèles récents, comme certains arbres à chat en blocs colorés, en reprennent le langage — signe que l’esprit de Memphis n’a pas fini de griffer notre quotidien.
Ne pas confondre extravagance et post-modernisme
Il est tentant de confondre extravagance visuelle et design post-moderniste, surtout lorsqu’un objet sort des codes traditionnels. Couleurs criardes, formes inhabituelles, exubérance assumée… tout cela peut évoquer un esprit décalé ou anticonformiste. Mais le post-modernisme n’est pas qu’une affaire de provocation formelle : c’est un langage théorique, une prise de position sur la modernité. Il se définit par sa capacité à jouer avec les références, à détourner les styles précédents, à user du pastiche et de l’ironie, de la citation consciente. Le post-modernisme est un commentaire sur le design — pas juste une explosion de formes.
Crédits design milk
Ainsi, un arbre à chat coloré et surprenant n’est pas forcément post-moderniste. Pour l’être, il faudrait qu’il joue avec des codes préexistants : pasticher le Bauhaus, moquer le minimalisme, intégrer des formes iconiques de manière décalée. Le Memphis Group, par exemple, ne se contente pas d’être kitsch : il sape les attentes en matière de bon goût, de fonctionnalité et de hiérarchie formelle. Pour éviter la confusion, il faut observer non pas seulement ce qui est visuellement fort, mais ce qui est culturellement critique ou réflexif. L’extravagance peut être purement stylistique ; le post-modernisme, lui, est une posture.
Qui suis-je ?
Depuis que j’ai un chat, je m’intéresse à son comportement et aux notions de territoire félin. Avec le site, j’ai pu développer au fil des années une expertise qui s’enrichit régulièrement.
En savoir plus.
2. Pourquoi créer un meuble aussi radical pour un chat ?
Parce que l’arbre à chat est le point de friction parfait entre fonction et forme, entre vie domestique et expression individuelle. Le mobilier pour animaux, longtemps cantonné au statut d’objet purement utilitaire, devient ici un manifeste visuel, une œuvre à part entière.
Crédits Design Milk
Analyse : Ce modèle flirte clairement avec le post-modernisme !
– Palette chromatique audacieuse (bleu + rouge sur fond graphique),
– Forme qui pastiche la raquette de ping-pong ou une feuille stylisée (on sait pas trop),
– Base en corde façon pastiche de pot de fleur.
– Citation (au sens stylistique ou formelle) + ironie + design expressif = ✔️
– Verdict : Oui ! Une vraie approche post-moderne, façon Memphis Milano version féline.
Le post-modernisme appliqué à l’univers félin permet :
– D’assumer une vision décalée de l’objet quotidien
– De revendiquer le droit à l’esthétique inutile, joyeuse, même exubérante
– De réintégrer le chat comme figure centrale de la maison, non juste son hôte discret
3. Modèles post-modernistes
blocs géométriques tricolores
– Couleurs primaires (bleu, rouge, vert, blanc) utilisées en aplats francs, sans dégradé.
Crédits Axelle Vertommen
– Formes cubiques et cylindriques, ultra-basiques, empilées comme des Lego ou des colonnes abstraites.
Axelle Vertommen dans son atelier
– Texture en revêtement textile strié : effet moquette rétro.
– Le tout rappelle de manière évidente les codes du mouvement Memphis Milano, voire le vocabulaire graphique de Sottsass, Superstudio, ou encore certains travaux de Peter Shire.
Élément | Présence | Détail |
---|---|---|
Pastiche | ✅ | Références directes au design post-moderniste italien des années 80 |
Ironie visuelle | ✅ | L’aspect “meuble-jouet” détourne l’idée de mobilier sérieux |
Non-fonctionnalisme ostentatoire | ✅ | Les formes ne cherchent pas l’ergonomie optimale, mais le statement visuel |
Jeu de style | ✅ | Couleurs + textures + formes = langage visuel exagéré, presque caricatural |
Hybridité meuble / sculpture | ✅ | Objet sculptural plus que purement utilitaire |
Moumoute & manifeste : ce n’est pas du kitsch décoratif, c’est du post-modernisme poilu
Derrière son apparence volontairement pelucheuse, ce meuble pour chat est profondément post-moderniste, et ce pour plusieurs raisons fondamentales — au-delà du simple choix des matériaux ou des couleurs flashy.
Crédits Cat haus
Jeu sur les textures
L’usage exagéré de la moquette/moumoute évoque une caricature directe du mobilier domestique des années 70–80, mais en surjoué. Ce n’est pas une nostalgie, c’est une exagération critique.
Palette chromatique radicale
Rose bubblegum, vert gazon, rouge velours, jaune acide, gris béton. Aucun souci d’harmonie, mais une volonté de collision chromatique assumée. Typiquement Memphis.
Construction “absurde mais fonctionnelle”
On voit les plateaux, les passages pour chats, mais l’ensemble compose une sculpture qui semble presque sortir d’un dessin de Nathalie Du Pasquier ou d’une boîte de jeu Fisher Price version dadaïste.
Présence humaine dans la composition
La mise en scène de la femme dans des vêtements colorés évoque l’univers de Sottsass ou Gaetano Pesce : on brouille les frontières entre design, mode, déco, animalerie. Le meuble devient une plateforme de récit et d’ambiguïté, pas juste un objet fonctionnel.
Ce que ce n’est pas
Ce n’est pas du mauvais goût naïf (kitsch involontaire)
Ce n’est pas du design minimaliste déguisé en fun
Ce n’est pas de la déco Pinterest « funky »
C’est une revendication de l’esthétique comme langage critique, une attaque du confort visuel, une hommage trash à la déco domestique exagérée.. Pas une parodie de bon goût, mais un vrai pied-de-nez au design lisse.
En résumé
Le design post-moderniste appliqué au monde félin n’en est qu’à ses débuts. Il pourrait bien inaugurer une nouvelle ère.
En assumant l’héritage de Memphis et en refusant la tiédeur esthétique, ces arbres à chat radicaux deviennent les manifestes joyeux d’une nouvelle domesticité — exubérante, assumée, pleine de griffes et de couleurs.